Les nouvelles technologies sont si instinctives et accommodantes qu’on a du mal à imaginer qu’elles aient des effets néfastes sur l’environnement. Pourtant, liker une publication, regarder une vidéo ou enregistrer ses documents sur un drive ou un cloud pollue. Tout ce qui a lieu sur la Toile est sauvegardé dans des data centers, ou centres de données. Ce sont de gigantesques entrepôts dotés de l’équipement informatique nécessaire pour le traitement et le stockage des données informatiques. Le numérique cause 4 % des émissions de gaz à effet de serre : c’est deux fois plus que le trafic aérien ! Sans oublier que la fabrication même des appareils connectés est source de pollution. À l’heure de la 4e révolution industrielle et de la crise du réchauffement climatique, il est temps de prendre conscience de notre impact sur l’écologie. Quelles solutions existe-t-il pour réduire la pollution numérique ? Comment la comprendre et sensibiliser les usagers à un Internet durable et vert ? Voici quelques étapes de réflexion.

Comprendre les 4 différentes sources de la pollution numérique

1. La production des appareils de haute technologie : un système peu durable ?

Tout d’abord, la production des appareils technologiques pose d’emblée un problème environnemental et éthique. En effet, on extrait les minerais nécessaires pour un smartphone dans des conditions insalubres, souvent dans des pays en voie de développement. Les droits humains n’y sont pas respectés : le travail des enfants y est une réalité. C’est ce qui fait dire à Bela Loto-Hiffler, fondatrice de la Maison de l’Informatique plus Responsable, que nous avons « des minerais de sang dans les mains et dans les poches ».

Par ailleurs, fabriquer un smartphone nécessite plus de 50 matières premières et des litres d’eau. Les ressources abiotiques (ressources naturelles non fabriquées par l’humain) ne sont pas renouvelables, ce qui pose un problème de gestion des réserves naturelles.

2. L’utilisation des appareils connectés : une surconsommation énergivore ?

Dans un deuxième temps, les appareils polluent par une utilisation excessive.

« On a l’impression qu’un « like », un mail ou une vidéo de chat […] passe par les ondes internes de nos téléphones portables, ce qui n’est pas du tout le cas. Il va parcourir toute l’infrastructure d’Internet qui est composée d’antennes relais, de box wifi, de réseaux de câbles sous-marins, de satellites, de data centers et donc de réseaux énergétiques, qui ont besoin de centrales nucléaires, de centrales à charbon, à gaz, à pétrole. » Guillaume Pitron, journaliste et auteur de L’enfer du Numérique. Voyage au bout d’un Like

Ainsi, reprenant le titre du fameux roman de Céline, le journaliste rappelle la face cachée d’Internet. On a bien trop souvent l’impression que nos interactions n’ont aucune conséquence. On se représente les documents numériques comme moins polluants que le papier. C’est ce manque de connaissances qui amène à une surexploitation des appareils connectés.

3. La pollution des données : le stockage fait-il chauffer la planète ?

Par ailleurs, le stockage des données par des data centers participe au réchauffement de la planète. On utilise des climatiseurs géants pour ventiler les lieux abritant les ordinateurs, qui traitent des informations émises en continu sur le Web. Ainsi, plus on multiplie les données, plus notre impact carbone est fort. Ce volume augmente de façon exponentielle, doublant tous les deux ans. Il faut prendre conscience du fait qu’un cloud n’est pas dématérialisé : il a une réalité physique qui a un impact sur l’écologie et la santé de notre Planète.

4. La question du recyclage et des déchets : les ordinateurs et les smartphones se cachent-ils pour mourir ?

Enfin, si 53 % de la pollution numérique est due aux datas centers et aux infrastructures réseau, le reste s’explique par les équipements des consommateurs. En termes de recyclabilité, on est loin du compte puisque seul 1 % des métaux utilisés à l’élaboration des appareils électroniques sont recyclables. On pourrait développer une économie circulaire grâce au réemploi et à la seconde main. Cependant, aujourd’hui, le niveau d’obsolescence est tel que les déchets du numérique sont une catastrophe environnementale et éthique. Il y a des déchets numériques de l’équivalent de cinq mille tours Eiffel qui ont été exportés, illégalement, des pays les plus riches vers les pays les plus pauvres. Que ce soit en début ou en fin de vie des produits technologiques, l’économie du numérique est non éthique, et le commerce est loin d’être équitable.

Aujourd’hui, la gestion des déchets des Technologies de l’Information (IT) est un problème d’environnement majeur, mais aussi une question humanitaire.

Éduquer et innover pour sensibiliser les usagers à un Internet durable et vert

Selon l’ONG Digital for the Planet, plus de 7 Français sur 10 n’ont pas conscience de cette pollution. Cette dernière, causée par le numérique, ne se voit pas. Il y a un manque cruel de pédagogie autour des appareils connectés. Nous les utilisons à longueur de journée, en usant la batterie, et nous finissons par les remplacer pour de mauvaises raisons.

Mettre en place une stratégie de communication

Nous avons besoin d’une pédagogie menée par les gouvernements et par les grands groupes de l’IT. La prise de conscience de notre usage d’Internet passe par un débat public et des campagnes de communication. Le but est de sensibiliser à la cause et de trouver des solutions ensemble. Guillaume Pitron rappelle que l’apparente gratuité d’Internet provoque des dommages. Si on devait payer à chaque vidéo regardée ou à chaque scroll, et non de façon forfaitaire comme cela existe, on y réfléchirait à deux fois. Il propose d’organiser des sorties éducatives dans des data centers afin de se confronter à la réalité matérielle du numérique.

Il est aussi nécessaire de faire de la pédagogie en élaborant une stratégie de communication plus éthique au sein des entreprises. L’un des enjeux est de convertir les valeurs internes pour les rendre plus durables. Nous apprenons souvent à utiliser un ordinateur ou une tablette sans vraiment comprendre comment tout cela fonctionne. Des mots comme « cloud » occultent la réalité physique d’Internet, et nous donnent l’impression que tout opère comme par magie.

Investir dans la recherche et l’innovation pour diminuer l’empreinte carbone

Plusieurs industriels de l’IT mettent en place des directives pour répondre aux exigences de la RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale encadrée par l’ADEME, Agence de la transition écologique). Des industriels du numérique, dans la téléphonie, essayent de trouver des matériaux plus responsables afin de produire davantage de « Fair Phones ». On cherche à produire d’une manière moins polluante et plus éthique les smartphones.

L’innovation est aussi au cœur de la lutte contre la pollution. En 2018, Microsoft plonge un data center de plus de 800 serveurs dans les eaux écossaises, et montre qu’il est possible de les refroidir naturellement. Par ailleurs, plusieurs centres de données de nouvelles générations sont localisés dans des endroits très venteux. Ce système de free cooling nécessite moins de ventilation mécanique.

Nous pouvons aussi penser à Neutral IT, une entreprise qui récupère la chaleur créée par les data centers pour chauffer l’eau d’une piscine ou celle des robinets chez les particuliers. Cette innovation technologique permet de contrebalancer la déperdition d’énergie nocive pour l’environnement.

Réfléchir à son usage d’Internet au quotidien

La pollution numérique : reflet d’une société malade ?

Au-delà de la réalité matérielle de l’industrie de l’IT, la pollution du numérique révèle plusieurs choses sur notre société. En effet, elle est la conséquence d’une logique consumériste et d’une culture de l’instantané. Comme le dit Bela Loto-Hiffler, nous sommes dans une société « en totale ébriété ». Nous n’avons pas conscience de ce que nous consommons et nous cultivons l’idée que c’est une activité infiniment renouvelable. La prise de conscience des dégâts du numérique nous permet d’interroger notre société et ses valeurs.

Alors que le numérique est très récent dans l’histoire de l’Humanité, il semble si puissant dans nos quotidiens, qu’une simple décélération paraît inenvisageable. Qu’est-ce que cette compulsion dit de nous ? Quel vide vient-elle combler ? Il est temps de se poser ces questions afin de consommer autrement.

Existe-t-il des gestes pour minimiser notre impact sur l’écologie ?

Certes, nous savons que le plus gros de la pollution n’est pas dû à la consommation directe des usagers, mais il existe des gestes simples et de bon sens à faire au quotidien pour limiter son empreinte carbone. On ne mesure pas toujours le fait que chaque clic pèse lourd sur le bilan énergétique de notre consommation globale. On peut penser à :

  • supprimer régulièrement ses mails et à vider sa corbeille ;
  • utiliser le réseau wifi plutôt que la 4G ;
  • se poser la question de l’intérêt de telle ou telle publication que l’on veut partager avec sa communauté.

Enfin,  se demander si on a vraiment besoin d’un nouvel appareil connecté ou d’un nouveau téléphone peut avoir un impact significatif. En tant que « consom’acteur », notre plus grand pouvoir réside dans le fait de moins consommer pour lutter contre l’obsolescence de nos appareils.

Est-il possible d’imaginer un numérique plus proche des questions écologiques et éthiques ? En tant que professionnels du web, nous avons donc notre rôle à jouer pour promouvoir un numérique plus durable. Si vous avez besoin d’un contenu éclairant, conscient et engagé, n’hésitez pas à contacter un de nos rédacteurs spécialisés !

Lamia Gormit
Article rédigé lors du cursus de formation en rédaction web chez FRW
Article relu par Agathe, tutrice de formation chez FRW

Sources :

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